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Rencontre avec July Gras, agricultrice de fleurs champêtres à Comps, Drôme.

Dernière mise à jour : 22 avr.




Mercredi 7 Août 2024 - Il est 8h lorsque je retrouve July sur le Chemin de la Patte, un petit sentier arboré qui mène à sa parcelle.


July m’avait prévenue d’arriver tôt, car les grosses chaleurs estivales sont insoutenables quand on travaille en extérieur. Munie de son joli panier et de son sécateur, July m’invite à la suivre et après quelques minutes de marche paisible àtravers champs, nous atteignons vite le carré floral prodigieux de 2000m2 qui lui appartient et sur lequel elle cultive et chérie jour après jour plus d’une vingtaine de variétés de fleurs. Rudbekia, Cosmos, Tournesol, Dalhia, Lys asiatiques et tant d’autres fleurs se hissent harmonieusement sous nos yeux, offrant un spectacle coloré et bucolique digne des plus grandes toiles de Monet. July ne se limite pas à la culture des fleures champêtres mais sèche également ses lavandes, la fleur typique de la Drôme au parfum singulier, et fournit du foin pour les agriculteurs caprins du coin.




La terre d’ici est fertile et ça se voit. C’est l’année dernière, après différents stages dans des exploitations en plantes aromatiques et médicinales que July a décidé de reprendre un bout du champ familial pour y bâtir son lopin floral. Son rêve a pu être concrétisé grâce à la source dont jouit le terrain. July sait que les fleurs sont gourmandes en eau - 1000L d’eau sont nécessaires par arrosage - , arrosages qui ont lieu la nuit pour éviter l'évaporation et permettre aux racines de pénétrer en profondeur, quelles sont frileuses et aiment les températures qui avoisinent les 24°degrés et qu’elles ont besoin de tendresse et patience pour se développer.


Du champ au vase, il n’y donc qu’une paire de mains, et ce sont celles de July. Passionnée et amoureuse des fleurs depuis petite, July en parle avec aplomb. Elle me montre ses flamboyants glaïeuls - sa fleur préférée qui agit telle une madeleine de Proust en lui rappelant les souvenirs hérités du temps au jardin passé avec sa grand-mère . Elle m’explique le rôle des insectes pollinisateurs, comme les abeilles, qui en en butinant les fleurs pour se nourrir, transportent ensuite le pollen récolté d'une fleur à une autre et en assurent la reproduction. Elle me rappelle également la différence entre les fleurs vivaces et annuelles (1) et m’assure qu’ici, les fleurs sont fraiches et sans intrants, coupées à la main le matin dès 5h à l’aide d’une lampe frontale pour être vendues deux heures après à quelques encablures au marché de Dieulefit(2) . July insiste également sur la saisonnalité des fleurs, méconnue, mais primordiale. L’outrage d’offrir des roses à la Saint-Valentin, forcément importées des serres hollandaises ou africaines, et du même acabit que de se délecter de fraises en hiver. L’agricultrice conseille à cette période d’offrir plutôt nos délicates pivoines françaises à nos bien aimés.


Ici, les fleurs sont saines. Exemptées de pesticides et d’intrants chimiques, elles n’ont rien à envier aux roses botoxées importées du Kenya(3) que l’on trouve sur la plupart des étals. Rappelons, qu’après le premier crack pétrolier des années 70, la production de fleurs s’est brutalement délocalisée en raison des serres énergivores où elles poussaient et de la main-d’oeuvre estimée de plus en plus couteuse. Le climat fortement ensoleillé du Kenya par exemple, permet la bonne croissance des fleurs et c’est ainsi qu’aujourd’hui 90% des fleurs en sont importées. Bourrées d’agents de conservation, réfrigérées, stockées, acheminées en avion jusqu’en Hollande - la floriculture est l’une des industries les plus lucrative au Pays-Bas et représente en 2024 , 4,8 milliard de dollars - pour ensuite arriver en France et être redistribuées. Grâce à des logistiques recors, 4 ces fleurs voyagent et transitent à vitesse éclair (il faut compter 48h pour que les productions soient acheminées du Kenya à la Hollande) au détriment de la planète. Au même titre que notre regard s’ouvre sur la confection de nos vêtements et l’élevage de nos animaux, est venu le temps du questionnement -où sont-elles produites ? Par qui ? A quels coûts?- et de la transparence pour nos bouquets.





Pour la robustesse et la pénibilité du travail, July confirme qu’on l’avait préparée. Au cours des ses études en Sciences et Technologies de l'Agronomie et du Vivant et de son BTS en comptabilité agricole, ses professeurs n’ont cessé de ressasser à quel point vivre de la terre était dur. July me le souligne bien; ici elle travaille seule, se baisse pour récolter les fleurs, laboure, désherbe, arrose et veille chaque jour à la bonne croissance de sa micro-ferme. Mais tout cela n’est rien face à la frustration météorologique qu’on ne peut contrôler. July, comme plus de 300 000 agriculteurs en France est tributaire de la météo. En quelques instants bourrasques de vents et fortes pluies peuvent réduire à néant tous les efforts qu’elle a fournis.

Les intempéries comme la canicule, un gel prolongé ou une pluie de grêle sont tant d’impondérables causant des dommages considérables sur la récolte. Cette résilience de la nature se retrouve dans ses fleurs qui sont naturellement robustes - car cultivées en pleine terre - et offriront une grande résistance une fois dans les vases. Quand je demande à July quels sont ses futurs projets pour la parcelle de la Patte, elle me répond avec un mélange d’entrain et de rêverie les mots suivants : « J’espère avoir un abris bientôt sur ma parcelle pour pouvoir recevoir ma clientèle, échanger sur mon travail, démocratiser l’univers des fleurs et proposer des activités de découvertes et d’initiation. » Elle poursuit en m’évoquant sa volonté d’étoffer sa production actuelle en l’étendant aux arbustes et arbres pour leur feuillage.

Pas à pas, cette jeune femme courageuse et déterminée de 25 ans, fière de sa terre et fervente défenseur des fleurs locales et de saison, ira loin. En choisissant ses bouquets et en soutenant July sur les réseaux sociaux, c’est le combat que vous mènerez également. A vos vases !



- Victoria












Pour aller plus loin, lire l’excellent papier du média Vert paru en février 2024 et écrit par The Conversation ici  

 


(1) - Une plante vivace, aussi appelée plante pérenne, s'oppose aux plantes annuelles qui meurent à la fin de l'été et doivent être ressemées chaque année. La plante vivace conserve un bulbe ou rhizome dans le sol résistant au gel qui refleurit chaque année

(2) - Retrouvez d’ailleurs July tous les vendredi et dimanche au marché de Dieulefit.

(3) - Le Kenya qui a commencé la floriculture en 1972 est devenu en quelques décennies le premier producteur mondial de roses ; environ 100 000 tonnes ont été produites en 2012. Source ici 

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